Par Yves Marmont, président de la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA)
Chiffres d’affaires en recul, paniers moyens en baisse, carnets de commandes en panne, trésoreries à sec… Les petites entreprises du commerce et de l’artisanat, rattrapées par la crise, souffrent et s’interrogent sur leur avenir.
Au troisième trimestre 2014, l’activité globale des TPE régresse de 4% comparativement à la même période un an plus tôt. Sur douze mois, la tendance est également négative avec un chiffre d’affaires, toutes professions confondues, en diminution de 1,4%. Aucun secteur n’est épargné par cette conjoncture préoccupante : le commerce et les services (-2,7%*) et l’artisanat du bâtiment (-7,3%*), autrefois locomotives économiques des petites entreprises, sont aujourd’hui sévèrement touchées par la crise. Le phénomène est loin d’être marginal.
Selon le Rapport sur le financement des TPE en France, près de 30% des TPE sont confrontées à de sérieuses difficultés de trésorerie. La même source indique que 280 000 entreprises sont dans une situation financière préoccupante, laissant craindre une probabilité importante de cessation d’activité d’ici deux ans. Menacées de disparition, elles provoqueraient alors un drame social dont on semble aujourd’hui sous-estimer l’importance et les conséquences sur l’emploi.
Dans un tel contexte, il est urgent de réagir. Notamment en s’appuyant sur l’expertise des centres de gestion agréés, leur connaissance précise du terrain, dans chaque région de France, et la relation de proximité unique qu’ils entretiennent avec chacun de leurs adhérents, artisans, commerçants ou prestataires de services. Voici cinq pistes qu’il me semble prioritaire d’explorer pour sortir de l’impasse :
1- Soutenir la consommation des ménages
L’activité des commerces de proximité et des entreprises artisanales est largement tributaire de la demande intérieure. Ce sont les dépenses de consommation des ménages qui réalisent l’essentiel du chiffre d’affaires des TPE. L’Etat peut donc soutenir fiscalement (TVA à taux réduit, crédit d’impôt…) certains postes budgétaires, comme c’est le cas pour les travaux de rénovation énergétique de l’habitat, par exemple, pour stimuler la demande. Ces dispositifs doivent être pérennisés. Dans le même esprit, nous pourrions imaginer un plan de soutien aux produits fabriqués en France et aux commerçants qui les distribuent.
2- Favoriser l’innovation commerciale et numérique
La question de l’innovation était au cœur de nos dernières Journées Nationales qui se sont tenues à Paris en novembre 2014. Tous les spécialistes qui sont intervenus ont démontré le rôle stratégique de l’innovation dans la relance de l’activité. Les artisans et les commerçants doivent impérativement entrer dans l’économie numérique pour sauver leurs ateliers et leurs points de vente ! Mais aussi inventer de nouveaux produits et services, repenser la relation client autour du Web, s’adapter aux nouvelles pratiques de consommation (location, économie du partage…). Tous les réseaux d’appui et d’accompagnement des TPE doivent se mobiliser dans ce sens. La FCGA, par exemple, est membre du comité de pilotage du programme gouvernemental Transition Numérique et nos centres forment toute l’année des entrepreneurs aux TIC.
3- Améliorer la relation bancaire
Evidemment, le banquier ne doit pas être le bouc-émissaire de la crise. Mais il est urgent d’améliorer la qualité de la relation avec les banques pour que les dirigeants de TPE se sentent mieux compris et mieux accompagnés. La reprise des investissements doit être soutenue par le financement bancaire. Nous menons d’ailleurs, en partenariat avec la Banque de France, une étude sur l’accès au crédit des TPE qui démontre la volonté de la profession bancaire de mieux comprendre les besoins des TPE. D’autre part, les banques adhérentes de la Fédération bancaire française (FBF) ont pris des engagements précis en ce qui concerne le traitement des demandes de financement.
4- Faciliter le premier recrutement
Le formalisme administratif et social décourage certains entrepreneurs individuels qui pourraient embaucher de le faire. Faciliter le premier recrutement est un moyen de lever ces freins psychologiques, de dédramatiser l’enjeu pour l’employeur. Ne faut-il pas intégrer cette réflexion dans le débat actuel sur le contrat de travail unique ? La sécurisation juridique des petites entreprises qui embauchent pour la première fois est un autre facteur décisif si l’on veut relancer la création d’emplois dans les TPE. N’oublions pas que le potentiel d’embauches est énorme : près de 1,4 million de petites entreprises n’emploient aucun salarié.
5- Revaloriser les centres de gestion agréés
Les CGA sont de précieux partenaires de proximité pour les petites entreprises. Nos missions d’assistance à la gestion et de prévention fiscale nous plongent au cœur même de la réalité économique des TPE. Dossiers de gestion individuels, sessions de formation, statistiques locales et nationales, détection des difficultés : nous apportons un service unique à nos adhérents et contribuons dans le même temps à un meilleur civisme fiscal. Affaiblir les CGA en détricotant les incitations fiscales qui participaient jusqu’à présent à leur attractivité (Loi de finances 2015), c’est aussi affaiblir un réseau national d’appui aux TPE qui a largement démontré son utilité en 40 années d’existence. Il faudrait, bien au contraire, revaloriser nos centres pour garantir aux TPE un soutien de proximité performant, indispensable à une reprise durable de l’activité.
* Observatoire de la petite entreprise (FCGA), 3ème trimestre 2014. Commerce services : -2.7% trimestre et -0.9% sur 12 mois. Bâtiment : -7.3% trimestre et -2.2% sur 12 mois