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Vendre son commerce sans se brader : stratégies, pièges et valorisation juste

Par Lucie Simoneau -  
Le 02/06/25

Chaque année en France, près de 30 000 fonds de commerce changent de main. Mais vendre un commerce n’est pas une formalité : c’est une opération complexe, émotionnelle et souvent sous-estimée. Pour le commerçant, il s’agit de transformer des années de travail en capital, de transmettre un projet, parfois un lieu de vie. Pourtant, nombreux sont ceux qui bradent leur affaire, par manque d’anticipation, de méthode ou d’accompagnement.

Ce dossier explore en profondeur les leviers à actionner pour vendre au bon prix, éviter les pièges les plus fréquents, et préparer sereinement la transmission.

⚖️ Les critères qui déterminent la valeur réelle d’un fonds

La valeur d’un commerce repose sur plusieurs paramètres, parfois ignorés par les vendeurs eux-mêmes. Voici les principaux critères observés par les acquéreurs et les experts :

1. L’excédent brut d’exploitation (EBE)

C’est le critère principal : il représente le bénéfice avant charges personnelles du commerçant. Plus il est élevé, plus le fonds est attractif. Un EBE correct se situe souvent entre 25 % et 40 % du chiffre d’affaires.

🗣 « Le fonds n’a pas de valeur si on n’en tire pas un revenu décent. On regarde d’abord combien il “dégage”, ensuite seulement l’emplacement ou l’image », explique Nicolas Florentin, expert-comptable à Lyon.

2. Le bail commercial

Un bail 3/6/9 récent, avec un loyer cohérent au regard du CA, augmente la valeur du fonds. Un bail mal renouvelé ou un loyer trop élevé peut effrayer les acquéreurs.

3. La localisation et le flux de passage

Rue passante, quartier en développement, proximité d’une locomotive commerciale (boulangerie, gare, pharmacie) : tous ces éléments valorisent le fonds.

4. Le secteur d’activité

Un salon de coiffure, une boulangerie ou un tabac-presse auront des méthodes d’évaluation spécifiques. Certains secteurs comme les métiers de bouche ou les établissements sous licence IV font l’objet de barèmes professionnels.


📊 Chiffres clés (2023–2024)

  • 🔸 28 976 cessions de fonds de commerce enregistrées en 2023 (source : Altares)
  • 🔸 Montant moyen d’une vente : 183 000 € (mais médiane autour de 110 000 €)
  • 🔸 60 % des cessions se font avec une baisse de prix de plus de 10 % entre le prix affiché et le prix final
  • 🔸 Durée moyenne de vente : 9 mois
  • 🔸 Moins de 1 vendeur sur 3 est accompagné par un professionnel (CCI, cabinet spécialisé, expert-comptable)


👥 Témoignages : vendre bien, mais vendre juste

🗣 Sophie, 48 ans – ex-gérante d’un salon de thé à Tours

« J’avais estimé mon affaire à 120 000 €, mais l’expert m’a expliqué que mon EBE ne suivait pas. J’ai dû revoir à 85 000 €… J’étais déçue, mais ça m’a permis de vendre en 5 mois. Le repreneur a gardé le concept. »

🗣 Me Caron, notaire à Lille

« Les dossiers qui capotent, ce sont souvent ceux où le vendeur a une vision affective du prix. Un commerce, ce n’est pas une maison de famille. Il faut en accepter la logique économique. »


🚫 Les erreurs fréquentes à éviter

  • Surestimer la valeur à cause d’un lien affectif
  • Cacher les problèmes (baisse de fréquentation, travaux à venir, conflits salariés)
  • Ne pas préparer le dossier de vente (pas de bilan à jour, pas de bail complet)
  • Refuser les intermédiaires (agents spécialisés, CCI), pensant « faire des économies »
  • Vendre dans l’urgence (fatigue, divorce, santé) sans phase de valorisation préalable


🎯 Stratégies pour vendre au bon prix

  • Anticiper 12 à 18 mois à l’avance
  • Améliorer la rentabilité sur la dernière année (réduction charges, augmentation panier moyen)
  • Mettre à jour comptes, bail, licences
  • Préparer un dossier vendeur complet
  • Considérer une cession à un salarié ou un repreneur local


✅ Conclusion : Vendre, c’est aussi transmettre

Vendre un commerce ne se résume pas à une signature chez le notaire. C’est l’aboutissement d’un cycle entrepreneurial, mais aussi le début d’un nouveau projet pour celui qui reprend. En maîtrisant les outils d’évaluation, en s’entourant de professionnels et en acceptant le bon timing, il est possible de vendre sans se brader, tout en préparant une transmission utile et durable.


📝 Checklist vendeur

  • Comptes à jour sur 3 exercices
  • Bilan d’EBE transmis au repreneur
  • Bail lisible et bien renouvelé
  • Justificatifs licences / normes en règle
  • Prévoir 6 à 9 mois de délai
  • Éventuellement passer par une CCI ou une plateforme spécialisée