Moins nombreuses que les hommes à se lancer dans la création d'entreprises, les femmes ont cependant la volonté de réussir et de s'épanouir dans leur vie professionnelle.
Malgré les difficultés, elles ne regrettent pas ce choix pour autant et possèdent de réels atouts pour réussir !
Quand les métiers du bâtiment se conjuguent au féminin
Jeune et déterminée
Disposer d'un bon accompagnement
Accéder au financement
Oser Entreprendre
Même si elles sont moins nombreuses que les hommes à se lancer dans la création d’entreprises, les femmes qui tentent l’aventure ont massivement le goût du risque et le souhait de s’épanouir dans leur vie professionnelle, en tant qu’indépendante.
On les retrouvera principalement dans les secteurs du commerce et de la réparation mais aussi dans les services aux entreprises et particuliers. Si leur conjoint joue un rôle moteur, surtout au démarrage du projet, en apportant une aide matérielle ou psychologique, il leur faudra après beaucoup d’énergie pour gérer vie professionnelle et vie familiale. Pas question de compter ses heures et bien souvent, elles devront continuer à travailler sur leur projet, une fois le rideau de la boutique baissé. Pour mettre tous les atouts de leur côté, elles ne devront pas hésiter à solliciter des réseaux d’accompagnement. Des dispositifs de soutien dédiés aux femmes existent, mais ceux-ci sont encore trop peu utilisés, sans doute par manque de connaissance.
Malgré les difficultés, les femmes ont de réels atouts pour réussir, comme en témoignent toutes celles interviewées dans ce dossier.
Moins nombreuses que les hommes à tenter l’expérience de la création d’entreprises, les femmes affichent clairement leur volonté d’entreprendre. En dépit des difficultés qu’elles rencontrent, elles ne regrettent pas leur choix pour autant.
Quel est le profil des femmes créatrices d’entreprises en France ? Le rapport sur les « Chiffres clés de l’égalité hommes-femmes en 2011 » publié par le Ministère des droits des femmes nous en apprend un peu plus sur ce sujet. Première enseignement : en 2010, les femmes représentent 47,7 % de la population active. Pour autant, leur part parmi les créateurs d’entreprise est seulement de 29 % (elle était de 27 % en 2002). Stimulé sans doute par l’auto-entreprenariat, le taux de femmes créatrices individuelles est passé à 36 %.
Plus spécifiquement, les femmes qui se lancent dans la création d’entreprises ont souvent un niveau de diplôme plus élevé que les hommes : 64,4 % des créatrices ont le baccalauréat ou plus, contre la moitié des hommes créateurs. Elles sont aussi moins expérimentées : 18,2 % étaient sans activité avant la création contre 8,5 % des hommes. Dans quels secteurs les trouve-t-on ? Elles sont majoritaires, au sein des activités du tertiaire : le commerce et la réparation, mais aussi les services aux entreprises et aux particuliers. Ainsi sur 100 femmes créatrices d’entreprises, 28,1 ont créé une entreprise dans le secteur du commerce et de la réparation.
Autres données : elles investissement moins d’argent dans leur projet, quelque soit le secteur d’activité : 43,1 % des femmes ont démarré avec moins de 4 000 euros de capitaux (34,9 % pour les hommes). Elles sont principalement secondées, lors du montage du projet, dans leurs démarches par des organismes spécialisés dans la création d’entreprise (34 %) et par le conjoint (30 %). Enfin, elles créent des entreprises presque aussi pérennes que les hommes : 65,2 % des entreprises créées par des femmes en 2006 sont encore en activité en 2009, contre 66,3 % pour les hommes.
C’est aussi pour y voir plus clair et pour aller à la rencontre des idées reçues que la Caisse d’Epargne a lancé son premier « baromètre des femmes entrepreneurs ». « 33 % des nouveaux clients sont des femmes, pourquoi ne sommes nous pas à 50/50 ? », s’interroge Florent Lamoureux, directeur du marché des professionnels de la Caisse d’Epargne. Selon ce baromètre, les femmes créent leur première affaire à l’âge de 35 ans contre 33 ans pour les hommes. Elles sont un peu moins souvent en couple (73 % contre 88 % pour les hommes), elles ont un peu moins d’enfants à charge (25 % contre 62 %) et surtout réalisent un chiffre d’affaires deux fois moins important que celui des hommes (71 000 euros contre 150 000 pour les femmes). Mais ces données ne s’appliquent pas spécialement au commerce, le baromètre ayant été réalisé sur un échantillon de chefs d’entreprise de moins de 10 salariés. Comme leurs homologues masculins, les femmes choisissent d’entreprendre avant tout pour leur épanouissement professionnel (86 %). Et contrairement à certaines idées reçues, elles ont massivement le goût du risque (à 80 % et 77 % pour les hommes). Avec une volonté d’être indépendante plutôt que d’être salarié (76 %). Ainsi Isabelle Levy, après 25 ans passés chez des grands noms du prêt-à-porter, a décidé d’ouvrir sa propre boutique de vêtements à Neuilly-sur-Seine. « J’avais ce projet depuis plusieurs années », raconte-t-elle. Ou encore Isabelle Larochette, qui a toujours voulu tenir une boutique de proximité. Après une carrière comme assistante de direction, elle décide à 40 ans de se lancer et reprend une librairie-papeterie-presse à Bois-Colombes (92).
Que l’on soit homme ou femme, selon le « premier baromètre des femmes entrepreneurs de la Caisse d’Epargne », les craintes seront les mêmes au moment de la création de son affaire comme la peur de ne pas être à la hauteur, d’avoir des difficultés de financement, ou de manquer du soutien des banques…
Mais cela dit, une fois le cap passé, les femmes seront moins satisfaites de leurs revenus, ont moins confiance en elles, ont davantage de crainte concernant la rentabilité de leur entreprise mais ne regrettent pas leur choix pour autant !
Concernant l’égalité entre les sexes, 63 % des femmes entrepreneurs interrogées estiment qu’il est plus difficile pour elles de concilier vie professionnelle et vie personnelle. Car l’emploi du temps va être bien chargé : elles déclarent travailler en moyenne 50 heures par semaine, ce qui est moins que les chefs d’entreprise hommes mais plus que les femmes cadres salariées. Ainsi Isabelle Levy, qui ne compte pas ses heures, déclare continuer à travailler à la maison, une fois la boutique fermée. Sans compter qu’il faut aussi s’occuper des enfants et des tâches ménagères…Ce qui peut entraîner un sentiment de dépassement : 63 % de ces femmes entrepreneurs se sentent souvent ou parfois dépassées par tout ce qu’elles ont à faire.
Malgré tous ces obstacles, une très grande partie d’entre elles (84 %) sont satisfaites de leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée (vers 82 % pour les hommes).
« En dépit des difficultés, les femmes veulent continuer, elles sont plus exigeantes vis-à-vis d’elles-mêmes. Quand elles s’engagent, elles s’engagent vraiment », commente Christine Dechosal, directrice des études à la Caisse d’Epargne. Au démarrage du projet, l’aide de l’entourage est particulièrement important. Ainsi Adeline Coette, qui a repris en mai 2012 un salon de coiffure à Chatenay-Malabry, raconte qu’elle a été soutenue par sa mère, qui l’accompagnait lors de ses rendez-vous avec les établissements bancaires. « A l’époque, elle avait plusieurs commerces, cela m’a aidé dans mes démarches et cela a rassuré les banques », raconte la jeune chef d’entreprise.
De même Isabelle Levy, qui a monté son projet toute seule, avait le soutien de son mari et de ses deux enfants. « Mon conjoint était d’accord pour me soutenir», renchérit Isabelle Larochette, libraire à Bois-Colombes. Celui-ci vient même lui donner un coup de main pour la soulager : il vient la remplacer à la boutique le samedi après-midi afin qu’elle puisse se consacrer à ses trois enfants. Lors du lancement du projet, 66 % des femmes ont été accompagnées par le conjoint, contre 49 % des hommes. Son rôle s’avère moteur au moment de la création, leur contribution pouvant être matérielle ou psychologique. Ce soutien se fait moins évident par la suite, dans le partage des tâches au quotidien. Pour les hommes entrepreneurs, c’est l’inverse, ils estiment leur conjointe moins impliquée dans le démarrage de l’entreprise mais davantage dans le foyer. L’accompagnement par des réseaux spécifiques et des associations d’aide aux femmes joue également un rôle non négligeable mais il y a encore des marges de progression. Ainsi, selon le baromètre de la Caisse d’Epargne, 27 % des créatrices ont été accompagnées par des réseaux d’accompagnement et ont bénéficié d’avances remboursables, de prêts à taux zéro et de prêts d’honneur contre 9 % des hommes. Avec l’aide de ces différents soutiens, elles seront mieux armées pour se lancer…
L’artisanat du bâtiment attire les femmes : elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans ce secteur. Par exemple, elles n’hésitent pas à reprendre l’affaire de leur mari quand celui-ci part à la retraite. Leurs atouts pour entreprendre cette démarche : elles ont de l’expérience et connaissent bien l’équipe. « Nous le voyons car elles ont été au préalable conjointes et on les retrouve chefs d’entreprise », indique Agnès Hautin, juriste à la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment). Autre tendance depuis quelques années, la femme créée l’entreprise avec son mari, ils ont tous les deux le statut de co-gérant. « Elles connaissent un petit mieux leurs droits, veulent être déclarées et ne plus être nécessairement cantonnées dans un rôle de second », commente Agnès Hautin. Elles n’hésitent pas alors à endosser leurs responsabilités et à se lancer dans l’aventure. Le secteur, au départ plutôt machiste, a évolué. La commission nationale des femmes d’artisans de la confédération a joué un rôle dans ces changements de mentalité, en proposant des pistes d’évolution depuis 1979. En 2007, la Capeb a signé une convention pour l’accès des femmes aux métiers du bâtiment, puis un accord sur l’égalité entre hommes et femmes en 2009. Pour la confédération, le travail de sensibilisation commence dès le collège, avec le concours « conjuguez les métiers du bâtiment au féminin ». Par le biais d’un reportage photo, il s’agit de mettre en avant le rôle des femmes. Une façon ludique de lutter contre les clichés !
La création d’entreprise n’attend pas le nombre des années. Comme en témoigne, Mélodie Dos Santos, âgée de 22 ans, qui vient de reprendre, depuis octobre dernier un salon de toilettage canin à Levallois. Si elle a commencé à travailler dans ce secteur depuis 2006, elle a rapidement voulu créer sa propre entreprise. Et l’occasion s’est présentée avec le départ à la retraite de son employeur, qui était favorable à cette solution de reprise. Déterminée, Mélodie Dos Santos a préparé cette opération pendant deux ans. Ce qui lui a permis d’obtenir un prêt d’honneur de Hauts-de-Seine Initiative de 7 000 euros et le prêt Nacre de 10 000 euros, et décrocher ainsi plus facilement un prêt bancaire. Aidée par sa famille moralement et financièrement,- son conjoint l’a convaincue de reprendre le salon quand elle hésitait-, elle a créé une holding pour racheter la société.
Située dans une rue passante, la boutique peut profiter du flux de clientèle du vétérinaire, situé à côté et propriétaire des murs. « Je lui en amène aussi », tient à préciser aussitôt la jeune chef d’entreprise !
Savoir bien s’entourer sera indispensable pour assurer la viabilité de son affaire. Des dispositifs existent, certains étant dédiés plus spécifiquement aux femmes créatrices. Reste à celles-ci à acquérir plus de confiance en elles. Bénéficier d’un accompagnement permettra d’augmenter de façon significative les chances de réussite de son projet entrepreneurial. Cet axiome s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Mais seulement 15 % des femmes créatrices ont été accompagnées par des réseaux d’accompagnement et 6 % par des associations d’aides aux femmes, selon le premier baromètre des femmes entrepreneurs de la Caisse d’Epargne…ce qui laisse encore des marges de progression. En effet, un certain nombre de réseaux existent qu’ils soient généralistes (BGE, France Active, Initiative France, Réseau Entreprendre, Parcours Confiance…) ou spécialement réservés aux femmes (Action’ Elles, Centre national d’information sur les droits et des familles, les Femmes Business Angels, Force Femmes, Fédération Pionnières…) Etre aidé par une structure apporte conseils et appuis. Ainsi Isabelle Levy, qui a monté son magasin de prêt-à-porter à Neuilly-sur-Seine a été suivie par la Chambre de Commerce et d’industrie de Paris Hauts-de-Seine. « Ils ont cru en mon projet et m’ont apporté un soutien », raconte t-elle. Même tonalité du côté d’Isabelle Larochette, qui a repris une librairie-papeterie-presse à Bois-Colombes et qui a pu bénéficier de l’accompagnement de cette même chambre de commerce « Elle m’a apporté un véritable soutien, car au départ c’est difficile de monter un projet lorsqu’on est tout seul. Pour aller au bout, il faut se battre, ce n’est pas un parcours tout rose », souligne-t-elle. Etre suivi par des réseaux d’accompagnement permet aussi de postuler à des prêts d’honneur ou prêts à taux zéro, qui apportent un coup de pouce aux créateurs et feront aussi effet de levier auprès des banques dans le cadre de l’obtention d’un crédit. Ainsi Isabelle Larochette a pu décrocher deux prêts d’honneur, l’un de France Active (9 000 euros) et l’autre de Hauts-de-Seine Initiative (9 000 euros). De même, Mélodie Dos Santos, qui vient de reprendre un salon de toilettage canin à Levallois (voir première partie) a obtenu un prêt d’honneur de Hauts-de-Seine Initiative de 7 000 et un prêt Nacre de 10 000 euros.
L’accès au financement va constituer une étape essentielle dans la construction de son projet. Quel est le ressenti des femmes dans ce domaine ? D’une manière générale, les femmes se sentent bien accompagnées, écoutées et comprises, en particulier au démarrage. Selon le baromètre de la Caisse d’Epargne, 78 % des femmes reconnaissent que le conseiller leur fait confiance dans leur projet professionnel contre 72 % des hommes, 66 % se sentent écoutées et comprises par leur conseiller contre 58 % des hommes. Contrairement aux idées reçues, moins de 3 femmes sur 10 trouvent l’accès au financement plus difficile pour une femme que pour un homme. Pour celles qui considèrent que c’est plus difficile lorsque l’on fait partie de la gent féminine, les raisons évoquées sont les suivantes : les banques font plus confiance aux hommes, les femmes hésitent davantage à demander et les activités qu’elles gèrent génèrent moins de bénéfices. « Les femmes hésitent davantage à demander un financement et pensent que leurs activités intéressent moins les banques », estime Christine Dechosal, directrice des études de la Caisse d’Epargne.
Dans les faits, 59 % d’entre elles ont eu recours à un prêt bancaire au démarrage de leur activité contre 51 % des hommes créateurs (avec un montant déclaré inférieur : 51 000 euros versus 66 000 euros pour les hommes). Au final, les femmes entrepreneuses se sentent mieux soutenues par leur banque qu’il y a une dizaine d’années. Ce qui démontre que des progrès ont été réalisés, même si la parité hommes-femmes n’est pas toujours encore au rendez-vous.
Le parcours du combattant
Obtenir un prêt bancaire n’est pas toujours facile et peut s’apparenter à un parcours du combattant. Adeline Coette vient d’en faire l’expérience pour la reprise d’un salon de coiffure, Hair 434, à Chatenay-Malabry, en mai 2012 « Ce n’est pas en tant que femme que j’ai eu des difficultés mais plutôt en raison de la conjoncture », raconte-t-elle. Après avoir frappé à la porte de plusieurs établissements bancaires, qui ont tous refusé, la jeune femme, qui disposait d’argent pour les frais de cession (20 000 euros) mais pas pour l’achat du fonds (100 000 euros) a fini par trouver une banque qui accepte de lui accorder un prêt (la Banque Populaire). Accompagnée par sa mère commerçante, elle a trouvé une conseillère qui a bien défendu son projet. Confiante, en raison de son emplacement, -le salon est situé à côté d’un Intermarché avec un parking gratuit-, elle souffre cependant de la conjoncture difficile. Mais la chef d’entreprise ne baisse pas les bras pour autant, elle envisage même de reprendre une autre affaire dans cinq ans. Etre dans la banque de son mari peut être un atout pour accéder au financement. C’est l’expérience qu’a vécue Brigitte Berberian, qui a ouvert une boutique de prêt-à-porter à Sceaux, spécialisée dans les grandes tailles. « J’ai rencontré une seule banque, qui est la mienne et celle de mon mari. Il m’a fallu les convaincre car ils n’étaient pas favorables à un commerce de prêt-à-porter. J’ai réussi grâce au choix des marques », indique-t-elle. Un bon mois s’est déroulé pour obtenir le feu vert. « Le moment le plus difficile a été d’attendre la réponse de la banque » raconte Brigitte Berberian. « Mais, ajoute-telle, j’ai eu beaucoup de chance que ce soit celle de mon mari… »
Le lancement d’une affaire, qu’il s’agisse de reprise ou de création, reste un défi. Et les femmes comme les hommes partagent la crainte d’échouer. C’est le cas pour 45 % des femmes interrogées et pour 42 % des hommes créateurs d’entreprise. Les femmes sont conscientes d’avoir de réels atouts pour réussir mais restent soumises à une forme de doute en dépit de la qualité de l’accompagnement de leurs proches et de leur banque. Car une fois le cap franchi, 77 % d’entre elles déclarent avoir eu autant, voire plus de facilités à obtenir un financement. « Ce qui manque, c’est plutôt une bonne dose de confiance. Il n’y a pas besoin de créer de nouvelles offres, il faut que les femmes prennent de l’assurance, car une fois qu’elles sont lancées, tout se passe très bien », estime Florent Lamoureux, directeur du marché des professionnels de la Caisse d’Epargne. S’il existe encore des difficultés, les femmes ont donc tout à gagner à oser entreprendre. D’autant qu’elles peuvent avoir des domaines de prédilection : 45 % déclarent mieux gérer la relation clients que les hommes et 43 % estiment mieux gérer les ressources humaines. En revanche, 27 % des femmes interrogées déclarent mieux gérer la gestion financière de l’entreprise que les hommes et seulement 14 % le développement commercial de l’entreprise….Il y a sans nul doute encore un peu chemin de faire pour atteindre l’égalité….