Se lancer dans l'ouverture d'un commerce est une belle aventure ! Choix du concept, emplacement, financement, création ou reprise...sont autant d'étapes à franchir avec succès. Au préalable, il convient d'y avoir bien réfléchi avec votre entourage car ce projet implique de grands changements...
Comme à la maison : une boulangerie pas tout à fait comme les autres
Une question de moyens
Etre vigilant sur le bail commercial
Faire appel au financement participatif
Vous avez pour projet d’ouvrir un commerce. Vous allez vous lancer dans une démarche, qui va prendre plusieurs mois et comporter plusieurs étapes. Première phase : trouver un créneau porteur. S’il n’existe pas de concept miracle, il faudra avant tout qu’il s’adapte à sa zone de chalandise et aux évolutions des consommateurs. Vous pouvez aussi casser les codes à l’image de ce jeune boulanger, installé près d’Annecy. Avant de vous lancer, il faudra prendre le temps de réaliser une étude de marché approfondie, que vous pourrez réaliser par vous-même.
Une fois le concept bien défini, vous devrez choisir un emplacement, qui devra coïncider avec la faisabilité du projet et vos moyens financiers. Car attention à ne pas avoir trop de charges, qui pourraient compromettre la réussite de votre projet. Pour cela, le commerçant devra suivre sa gestion de très près afin d’être réactif.
Mais surtout, vous devez être sûr de vos propres motivations et de votre entourage car devenir commerçant implique de grands changements et un certain nombre d’heures travaillées. Si c’est le cas, n’hésitez pas à tenter cette belle aventure…
Le processus d’ouverture d’un commerce comprend plusieurs phases. Tout d’abord, il convient de choisir un concept, qui s’adapte à sa zone de chalandise, et aux évolutions des consommateurs. Avant de se lancer, il faudra prendre le temps de réaliser une étude de marché approfondie.
L’ouverture d’un commerce est un projet qui va se dérouler sur plusieurs mois et comporter différentes étapes. Il faudra l’avoir bien muri et être sûr de ses propres motivations. Car la vie de commerçant, surtout à ses débuts, entraîne de grands changements dans la vie personnelle, c’est pourquoi il est recommandé d’avoir le soutien de son entourage familial. Elle implique aussi un grand nombre d’heures travaillées, on est plutôt à deux fois 35 heures….Ce changement de rythme se fera particulièrement sentir lorsque l’on quitte un emploi salarié pour se lancer dans ce type d’aventure. Même lorsque l’on a pour projet de reprendre la boutique de son patron car l’employé n’a qu’une vue partielle du métier (soit la caisse, soit la vente, soit la production…) et n’en maîtrise pas tous les aspects.
Une fois cette phase d’introspection effectuée, il va falloir déterminer le concept, que vous allez développer. Un élément capital en ces temps difficiles pour le commerce. « Attention à ne pas coller un concept n’importe où et n’importe comment », prévient Philippe Delaporte, consultant au sein du cabinet Kedros Conseil et consultant pour le Cefac (Centre d’études et de formation des assistants techniques du commerce des services et du tourisme). « Le commerçant indépendant doit bien connaître son marché et ne pas plaquer artificiellement des concepts nationaux », ajoute-t-il.
C’est justement ce qui fait sa force et son originalité par rapport aux grandes enseignes nationales et internationales, que l’on retrouve à l’identique dans toutes les villes de France.
Le concept doit être en cohérence avec le marché, la population, les CSP (Catégories socio-professionnelles), les niveaux de revenus et la… taille du magasin. « Les commerçants ont de bonnes idées mais au bout d’un an se retrouvent parfois confrontés à des problèmes de gestion du magasin (pas de rotation de stocks, des stocks beaucoup trop lourds) », ajoute-t-il.
Ainsi la surface de vente doit être prise en compte. Si elle est trop grande, cela va entrainer des problèmes de gestion des stocks. « Le risque est de rendre la trésorerie exsangue en achetant trop de produits », estime le consultant. A l’inverse, si le magasin est trop petit par rapport au concept, cela ne fonctionnera pas non plus. Le point de vente risque de ressembler à un bric à brac.
Le commerçant, tous secteur d’activités confondus, doit opter pour un positionnement commercial clair. Il doit se poser toutes ces questions : par rapport à la concurrence, pourquoi les consommateurs vont-ils se rendre dans mon magasin ? Est-ce en raison de la proximité ? de la qualité des produits vendus ? De l’accueil, du large assortiment, des heures d’ouverture adaptées… ? Or il sera difficile d’être bon sur tous ces points. « Il faut choisir d’être performant sur quelques critères, avoir deux points essentiels forts pour se démarquer», appuie Philippe Delaporte.
Par exemple, un hypermarché ne mettra pas l’accent sur l’accueil ni sur la qualité mais plutôt sur la longueur de l’assortiment, sur les prix, les horaires…En revanche, un boucher-charcutier implanté dans le centre-ville va communiquer sur la qualité de ses produits, son savoir-faire, sur l’accueil sur le service mais pas sur les prix… La force du commerce traditionnel est de pouvoir bien se démarquer sur les critères sur lesquels il est fort.
Avant de lancer le concept, il est important de bien connaitre son marché « On peut avoir une très bonne idée mais ne pas avoir en face la population en capacité d’acheter les produits », estime le consultant
Quant au choix du concept, s’il est difficile de lister ceux qui sont porteurs et ceux qui ne le sont pas, il est conseillé de s’adapter à l’air du temps. Par exemple au vieillissement de la population, phénomène que l’on appelle la « Silver Génération », en apportant à cette catégorie de nouveaux services. Les jeunes, considérés comme des « digital natives » sont également adeptes de nouveautés.
De façon plus générale, les consommateurs n’ont plus forcément envie de passer leur samedi dans les centres commerciaux et sont friands de nouveaux services qui leur facilitent la vie, tels que la livraison à domicile.
Le commerçant doit être imaginatif et trouver le bon assortiment, en fonction de la population, à laquelle il s’adresse. Un magasin de quartier, ce n’est pas la même chose qu’un magasin de centre-ville ou qu’un magasin situé dans une gare… Et de citer l’exemple d’une librairie à Brest, qui a installé des gros fauteuils pour lire, confortablement installé. Ou encore ce libraire à Amiens, « Chapeau melon et pile de livres », qui a lui aussi installé un coin lecture, et qui propose de déguster thés et cafés. Pour faire vivre sa boutique, il multiplie les animations : expositions de photographies, séances de lecture…
D’où l’importance de l’étude de marché qui devra être réalisée en amont, même si cette pratique n’est pas toujours répandue chez les commerçants traditionnels. Avant de reprendre un magasin, le porteur de projet devra regarder quelles sont les heures de fréquentation des commerces, il ne doit pas hésiter à procéder à un comptage piéton dans sa rue.
Il devra aussi penser à adapter les heures d’ouverture en fonction des habitudes de consommation : beaucoup de magasins sont fermés entre 12 h et 14 h dans certaines villes de province alors que les gens sont disponibles pour faire leurs courses pendant cette tranche horaire. Il devra également regarder leur pouvoir d’achat, la concurrence aux alentours. « Il ne faut pas avoir peur d’être critique et regarder les points des concurrents », ajoute Philippe Delaporte.
Autre point à ne pas négliger : regarder comment le lieu d’implantation va évoluer. Pour cela, le porteur de projet doit se rendre dans les CCI (Chambres de commerce et d’industrie), les chambres de métiers, consulter les PLU (Plan local d’urbanisme) dans les services d’urbanisme de la ville. Si une ligne de tramway va traverser la rue dans un an, si une rue devient piétonne ou encore si une bretelle d’accès est modifiée, cela va changer la donne : les flux de circulation, donc de consommation, vont être modifiés…
Quand ils s’installent, les commerçants ont de bonnes idées, sont plein d’enthousiasme et ont parfois tendance à occulter certains éléments. Ce qui peut, s’ils ne sont pas pris en compte, avoir des conséquences fâcheuses….
Vous envisagez d’ouvrir un commerce mais vous hésitez entre une création ex-nihilo ou une reprise d’un établissement existant. La reprise permet un démarrage plus rapide et dans de meilleures conditions. Par rapport à une création, elle présente des avantages…mais aussi des inconvénients, selon l’APCE (agence pour la création d’entreprises).
Parmi ses avantages : il s’agit d’un processus économique plus rapide que la création, le repreneur bénéficie immédiatement d’un outil de travail opérationnel, d’un personnel formé, d’une clientèle acquise. Il profite tout de suite d’un chiffre d’affaires et donc d’un revenu généré par l’activité. Lors d’une création, il faut parfois attendre plusieurs mois avant de pouvoir se dégager une rémunération. L’obtention d’un financement est plus facile que pour une création, car les banquiers s’appuient sur un existant : les trois derniers bilans et comptes de résultat de l’entreprise.
Côté inconvénients : une reprise coûte plus cher, en proportion, qu’une création. L’apport personnel doit donc être plus conséquent, même si l’obtention d’un financement est plus aisée. « Les prix des fonds de commerce étant élevés, beaucoup de personnes préfèrent créer ex-nihilo », souligne Thierry Millon, directeur des études d’Altares, lors de la présentation du 5ème baromètre Bodacc-Altares sur les ventes et cessions de fonds de commerce.
Par ailleurs, une reprise est plus complexe qu’une création. Il faut être opérationnel et professionnel dès l’entrée en fonction. Enfin, les problèmes de relations humaines sont plus lourds qu’en création : les contrats de travail des salariés se poursuivant, ceux-ci doivent s’adapter au changement (nouvelle direction, nouvelle stratégie…)
Petit-fils et fils de boulanger, Alexis Daudin est passionné par cette profession. « De moins en moins de gens veulent faire ce métier alors qu’on peut y évoluer », déplore-t-il. Avec l’ouverture le 11 décembre 2011 de sa boulangerie, intitulée « Comme à la maison », il s’emploie à donner envie aux gens de rentrer dans son établissement et d’en faire un lieu de vie, où il se passe quelque chose à chaque instant de la journée. Ayant renoncé à s’installer au cœur d’Annecy, en raison du coût des loyers, il a trouvé un vaste local de 350 m² à Meythet, une zone artisanale en proche banlieue. Avec une devanture noire et rose, des tables et chaises pour consommer sur place, le moins que l’on puisse dire, c’est que sa boulangerie casse les codes. Adepte des réseaux sociaux, il possède une page Facebook, il organise un évènement par mois calé sur le calendrier des Journées Internationales de… A titre d’exemple sont fêtées la Journée Internationale de la femme, la Saint-Patrick, la Journée internationale des gauchers, Roland-Garros et Wimbledon…ou encore « le boulanger est une ordure » au moment de Noël, la journée du pyjama, où les vendeurs, en majorité des hommes, sont en robe de chambre…
S’il est difficile de quantifier l’impact de Facebook, Alexis Daudin a largement dépassé ses objectifs. Il a multiplié par trois son prévisionnel : en 2013-2014, il a réalisé un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros. Ils étaient 5 salariés au départ, ils sont aujourd’hui vingt. Comme quoi, on peut être professionnel tout en s’amusant…Le boulanger ne compte pas en rester là : d’autres ouvertures sont prévues en 2015-2016…
Après trouvé un concept porteur, vous devrez choisir un emplacement, qui devra coïncider avec la faisabilité du projet et vos moyens financiers. Le commerçant devra suivre sa gestion de près afin d’être réactif
Vous avez une bonne idée et défini le concept que vous souhaitez développer. Il va falloir trouver l’emplacement adéquat pour accueillir votre commerce. « Première règle à connaître : être visible et accessible », déclare Philippe Delaporte, consultant au sein du cabinet Kedros Conseil et consultant pour le Cefac (Centre d’études et de formation des assistants techniques du commerce des services et du tourisme).
Il faut savoir que les emplacements numéro 1 coûtent cher et ne sont plus à portée de bourses des commerçants indépendants. Dans la plupart des grandes villes, ils sont réservés aux grandes enseignes nationales et internationales. « Il vaut mieux parfois être sur un emplacement 1 bis ou numéro 2 », estime Philippe Delaporte. Tout dépendra de la nature du produit vendu. Par exemple, si l’on veut vendre des tee-shirts à bas prix, il sera recommandé d’être situé dans une rue passante. En revanche, si l’on veut ouvrir un restaurant gastronomique, cela ne sera pas indispensable. Au contraire, il sera même conseillé d’être dans une petite rue, derrière les grands axes.
D’où l’importance d’avoir bien regardé l’évolution des rues. Il suffit qu’une boutique leader se déplace ou que le sens de circulation change, pour que le paysage commercial soit modifié. Si le commerçant a investi dans un pas de porte très cher, il risque d’avoir du mal à rentabiliser son projet.
Dans le choix de son local, celui-ci devra bien étudier l’environnement commercial de la rue et étudier s’il y a les moyens de s’offrir tel emplacement. Celui-ci devra coïncider avec la faisabilité du projet et les aspects financiers.
Pour cela, il devra absolument bâtir un compte de résultat prévisionnel et un seuil de rentabilité. En tenant compte des charges, ce qui inclut le pas de porte, les travaux, l’aménagement du concept…
Le commerçant doit aussi intégrer les coûts de mises aux normes obligatoires, notamment en termes d’accessibilité, un dispositif obligatoire depuis le 1er janvier 2015. « Il doit bien chiffrer le coût de l’outil au moment de son installation », appuie le consultant.
De même, il doit être vigilant sur les différents aspects du bail commercial. Avant de s’engager, le porteur de projet devra s’assurer que son activité est autorisée par celui-ci. Lorsqu’il s’agit d’un bail tous commerces, il lui sera possible d’exercer toutes les activités commerciales, mais ce n’est pas toujours le cas. Autre point à vérifier : la conformité du bail avec l’activité que l’on veut exercer. C’est notamment le cas pour les magasins d’alimentation, la restauration. Depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, le statut des baux commerciaux a évolué. Le preneur aura tout intérêt à faire relire le bail par un professionnel du droit afin de connaître les changements effectués mais aussi d’éviter déconvenues et mauvaises surprises.
L’étape suivante sera consacrée ensuite au financement de son projet. Dans le montage de cette opération, le porteur de projet doit absolument disposer d’un apport personnel, qui représentera au moins 30 % voire plus du coût du projet. « Dans le cas où cet apport représente moins de 20 %, le dossier ne passera pas », estime Olga Romulus, expert-comptable au cabinet Fiducial. « Le banquier ne prêtera pas plus de 70 % du projet. Par ailleurs, il ne finance pas le stock », appuie Philippe Delaporte.
Le porteur du projet peut compléter son apport personnel par diverses aides, aussi bien nationales que régionales. Mais il ne devra pas compter dessus pour boucler son projet. « C’est la cerise sur le gâteau », estime Philippe Delaporte.
De même, il pourra faire appel au financement participatif (appelé encore crowdfunding), une technique qui prend de l’ampleur et qui peut s’avérer une solution complémentaire pour les commerçants et artisans. Par exemple l’entreprise lorientaise 727 Sailbags y a eu recours pour l’ouverture de sa boutique parisienne située rue du Jour, en passant par la plate-forme Unliend. 100 000 euros ont pu être empruntés auprès de 169 prêteurs en 23 jours…
Une fois que le banquier a donné son accord, il faut que le montant du remboursement soit en cohérence avec le chiffre d’affaires envisagé. « Le commerçant doit prévoir une hypothèse haute une hypothèse basse », estime Philippe Delaporte. Ainsi il pourra voir quelle somme il peut consacrer au loyer. « Le ratio loyer/chiffre d’affaires dépend du secteur d’activité », indique le consultant. Dans ce domaine, le porteur de projet devra se faire aider par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les chambres de métiers, qui connaissent généralement ce type de ratio.
Le montant total des charges (loyer, personnel, remboursement de l’emprunt…) divisé par le pourcentage de marge brute du commerce indiquera le chiffre d’affaires HT, qu’il conviendra de réaliser. Ensuite il sera divisé par le nombre de jours d’ouverture, ce qui indiquera le chiffre d’affaires à effectuer par jour. « Le restaurateur saura combien de couverts il doit faire quotidiennement, le boulanger combien de baguettes il doit vendre », ajoute Philippe Delaporte.
Si le commerçant s’aperçoit que les charges sont trop élevées, il devra abandonner son projet…ou bien chercher un autre emplacement. « Mieux vaut faire cette opération préalablement », conseille-t-il.
Lorsqu’il a bien établi son prévisionnel, le commerçant pourra en déduire un plan de trésorerie, un plan d’achat. L’important est d’avoir un tableau de bord très précis de tous ces éléments.