Chaque année, 100 000 personnes se lancent dans l'artisanat, que ce soit sous forme de création ou de rachat d'une entreprise existante. Malgré la crise, ces entreprises ont des atouts pour réussir : souplesse, innovation et capacité à vendre leurs produits à l'export. A vous de trouver l'affaire qui correspond le mieux à vos aspirations !
Vous voulez développer un projet personnel, devenir votre propre patron ? Reprendre une affaire artisanale peut s’avérer une opportunité intéressante. Chaque année, 100 000 personnes choisissent de se lancer dans cette aventure, que ce soit sous forme de création ou sous forme de rachat d’une entreprise existante. D’autant que des places sont à prendre dans les quatre grands secteurs qui composent l’artisanat : le bâtiment, les services, l’alimentation et la production. Malgré la crise, ces entreprises ont des atouts pour réussir. En raison de leur petite taille, elles peuvent avoir plus de souplesse dans leur organisation pour répondre à la demande. Elles font aussi preuve d’innovation : ce le cas pour 65 % d’entre elles. On verra dans ce dossier, que les artisans qui apportent des nouveautés ont plus de chances de s’en sortir, contrairement à ceux qui restent sur leur métier de base. Troisième atout : l’export, puisque ces deux qualités de souplesse et d’innovation conduisent ces entreprises à vendre leurs produits et services à l’étranger.
A vous de trouver l’affaire, qui correspond le mieux à vos aspirations sans oublier de bien préparer votre projet avant de vous lancer !
Avec le papy-boom, des places sont à prendre dans tous les secteurs de l’artisanat. Une perspective qui séduit des « nouveaux repreneurs », attirés par les atouts de ce type d’entreprises, souplesse, innovation et capacité à prendre des marchés à l’export. Même en période de crise, l’entreprise artisanale est un modèle attractif. Les chiffres, communiqués par l’APCMA (Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat) sont là pour le prouver : 100 000 personnes choisissent chaque année de créer et /ou rependre une entreprise dans ce secteur. Principales motivations pour ceux qui se lancent dans l’aventure : la passion, la recherche d’accomplissement personnel et la liberté d’entreprendre. D’autant que les opportunités existent dans les quatre grands secteurs de l’artisanat, à savoir le bâtiment, les services, l’alimentation et la production. En raison des départs à la retraite prévisibles des baby- boomers, phénomène appelé le papy-boom, un certain nombre d’entreprises sont à reprendre dans ces secteurs. Par exemple, les métiers liés à l’éco-construction, la transition énergétique, les technologies propres, le retraitement des déchets sont promis à un bel avenir. Des places sont à prendre également dans l’artisanat de production et de petite production, qui s’inscrit comme un rouage déterminant des secteurs de pointe tels que l’aéronautique, l’aérospatiale. Les métiers de petite production sont en phase avec l’innovation, comme par exemple la conception et le prototypage d’objets. « De nouveaux métiers se développent avec l’apparition de matériaux innovants (résine, titane, plastique), des moyens de communication modernes et des technologies de pointe (optique, micro-électronique) », indique L’APCMA. Tous les métiers, plus classiques, du service à la personne sont porteurs de débouchés, comme les coiffeurs, les cordonniers, les esthéticiennes. Les fleuristes, par exemple, doivent suivre les goûts des consommateurs, en proposant de nouvelles compositions mais doivent savoir innover en s’investissant, par exemple dans les murs végétaux. Sans oublier les professions de l’alimentation, considérées comme des « métiers passion » par excellence. Ce secteur est celui où les reprises sont les plus fréquentes : près d’une immatriculation sur deux se réalise sous forme de reprise d’une entreprise existante. D’année en année, les chambres de métiers et de l’artisanat constatent l’attrait pour des métiers tels que chocolatier, confiseur, charcutier, glacier, boucher…
Si 87 % des installations dans l’artisanat se font par création pure, 13 % sont des reprises d’entreprises. Cependant la proportion de ces dernières va varier considérablement selon les activités. Ainsi la reprise d’entreprises dans l’artisanat du bâtiment ne représente que 4 % alors que celle dans les activités de services aux particuliers dépasse les 30 %. Cette proportion monte à 50 % dans les métiers de l’agro-alimentaire et atteint 60 % dans les métiers de bouche (source : Insee, Sine 2006, exploitation Institut supérieur des métiers). Selon les secteurs, la reprise s’opère de différentes façons : dans le bâtiment et de l’artisanat de production, les reprises sont majoritairement familiales ou salariales tandis que dans la coiffure et l’artisanat alimentaire, les reprises sont majoritairement des achats par un tiers ou une prise en location gérance. De façon générale, les chambres de métiers constatent que la transmission familiale n’est plus le modèle prépondérant. Aujourd’hui, créer son entreprise est devenu l’aspiration d’un certain nombre de salariés, soit parce qu’ils sont au chômage ou craignent de l’être, soit parce qu’ils aspirent à réaliser un projet personnel en devenant leur propre patron. La reprise peut constituer une alternative : elle sera lourde en termes de financement, mais offre plus de probabilités de réussite, jusqu’à 95 % à 100 % selon les métiers contre 60 % pour une création, toujours selon les données de l’APCMA.
Parmi ces nouveaux profils, qui rejoignent les rangs de l’artisanat, on trouve en effet une population de cadres, issus de grands groupes et qui veulent développer leur propre activité. Même s’ils n’ont pas l’expertise du métier, ils peuvent se former et sont souvent prêts à le faire. Ou alors s’appuyer une personne de l’équipe en place, qui possède les compétences techniques. De leur côté, ils vont apporter leur expérience acquise au cours de leur vie professionnelle, cela peut être en termes de gestion, de marketing, de management… C’est le parcours qu’a vécu Georges Bell, ex-directeur marketing Europe d’un groupe allemand et ex directeur commercial dans une agence conseil en marketing direct, et qui a repris en 2008 une entreprise en plomberie-chauffage. C’est aussi le cas de Fabrice Gérard, ancien cadre commercial dans un hebdomadaire gratuit et qui a fait l’acquisition d’une entreprise de gravure/signalétique à la Chapelle-Saint-Luc dans l’agglomération troyenne. « J’ai fait le choix de reprendre afin de bénéficier d’une clientèle, d’un savoir-faire et d’une image de marque, plutôt que de tout démarrer de zéro », raconte-t-il. Aidé par la Chambre des métiers de Troyes, il choisit parmi les entreprises à reprendre celle qui se rapproche le plus de son activité, une entreprise de signalétique/gravure, une TPE (très petites entreprises) avec une salariée. « J’ai pensé que mon expérience précédente pouvait avoir un lien direct avec cette affaire », estime Fabrice Gérard. En investissant dans deux imprimantes numériques, il a pu développer de nouvelles prestations, et ainsi accroitre le chiffre d’affaires de façon conséquente, puisqu’il a augmenté de plus de 50 % en deux ans. « Nous avons beaucoup de travail et nous ne connaissons pas la crise », commente le chef d’entreprise. Quel bilan tire-t-il de sa nouvelle vie ? « Ce qui est difficile dans une petite structure, ce qu’il faut savoir tout faire tout seul. J’ai appris à me servir des machines, à m’occuper de la maintenance ». Une expérience plutôt concluante car si c’était à refaire, Fabrice Gérard le referait… « Je n’ai aucun regret, à part le temps pris sur ma vie privée », déclare-t-il.
Cet exemple nous prouve que malgré la crise, les entreprises artisanales peuvent réussir. Car elles font preuve d’adaptation, en créant des produits destinés à de nouveaux marchés. Pour cela, elles possèdent plusieurs atouts. La souplesse : en raison de leur petite taille, elles sont réactives. Leur modèle d’organisation du travail leur permet de suivre les fluctuations de la demande. Puis l’innovation : il faut savoir que l’artisanat ne dépose pas moins de 17 % de l’ensemble des brevets français, et que 65 % des entreprises artisanales innovent régulièrement, selon les chiffres de l’APCMA. Et enfin l’export, puisque ce sont ces deux qualités de souplesse et d’innovation, qui conduisent les entreprises artisanales à exporter. 30 % des exportateurs français sont d’ailleurs des entreprises artisanales. Leur savoir-faire est recherché à l’étranger puisque 66 % des artisans exportateurs sont positionnés sur des savoir-faire « quasi-uniques » à l’échelle internationale. De quoi faire rayonner la marque France !
Venant d’un tout autre univers, Georges Bell a repris une entreprise de plomberie-chauffage-électricité. Récit de son changement de vie.
Diplômé en droit et de Sup de Co Paris, Georges Bell travaillait dans la sécurité des réseaux informatiques. A l’occasion du rachat de l’entreprise, où il était salarié, il a la possibilité de partir, avec des indemnités…Il saisit cette occasion, souhaitant changer de vie. Il se met en alors en quête d’une entreprise à reprendre, qui ne soit pas une grosse structure. Par l’intermédiaire de la Chambre de métiers, il rencontre un électricien-plombier-chauffagiste dans l’Aube, qui partait à la retraite. « On s’est trouvé, quelque chose s’est passé entre lui et moi », raconte Georges Bell. L’affaire se conclut et le cédant l’a accompagné pendant quelques mois. « Il avait déjà préparé sa succession, les responsable et les salariés m’ont tous formé », ajoute-t-il. De 12 personnes, l’affaire est passée à 22 ; elle a connu une forte progression, avec une croissance à 2 chiffres, de 2006 à 2010. Après une baisse en 2010-2011, la progression est repartie en 2012-2013, avec une hausse de 14 % par an. Dans le cadre de cette reprise, Georges Bell a pu amener son expertise en matière de gestion, d’organisation et d’outil informatique. « J’ai intégré assez vite l’aspect technique car j’ai été bien aidé. Tout le monde avait intérêt à ce que l’affaire se fasse », estime-t-il. Le fait d’être originaire de la région a d’ailleurs facilité le bon déroulement de l’opération. Son épouse fait également partie de l’aventure, car il s’agissait d’un projet de vie commun. Comptable de formation, elle a pris en charge l’aspect social et les finances.
Comme Fabrice Gérard, qui a repris une affaire de signalétique-gravure, si c’était à refaire, Gorges Bell retenterait l’aventure. Et ce, malgré un contexte difficile, « être chef d’entreprise n’est pas toujours bien vu aujourd’hui » déplore-t-il.
La reprise d’une entreprise artisanale ne s’improvise pas, surtout si l’on n’est pas du métier. Formation et accompagnement viendront aider le porteur de projet à mener à bien cette opération. Des dispositifs existent pour faciliter l’accès au financement. Chaque année, un tiers des créations/reprises d’entreprises se font dans le cadre d’activités artisanales. Pour qu’elles soient réussies, ces opérations surtout, lorsqu’elles sont menées par « des nouveaux entrants », doivent faire l’objet de préparation. Les porteurs de projet devront y passer le temps nécessaire et ne pas brûler les étapes. Ils gagneront aussi à être accompagnés, avant, pendant et après leur installation. L’accompagnement est souvent gage d’une durée de vie plus longue. Ainsi les entreprises suivies par les Chambres de métiers et de l’artisanat affichent un taux de pérennité à trois ans de 76 % !
«Si l’on n’est pas du métier, ce sera possible de se lancer. Je connais un dessinateur dans le bâtiment, qui a repris une entreprise de maçonnerie, il se débrouille très bien », indique Jean-François Trouillard, expert-comptable associé chez In Extenso, responsable au niveau national de 70 Points C, un ensemble de services liés aux créateurs et repreneurs d’entreprise. « Mais, ajoute-t-il, il faut avoir un minimum de formation. Celle-ci peut s’effectuer auprès de syndicats professionnels ou encore de chambres consulaires ». Les personnes qui veulent rejoindre l’artisanat peuvent être très compétentes en management ou gestion mais cela ne sera pas suffisant pour appréhender toute la dimension de l’affaire. Dans les entreprises de moins de 10 salariés, plus le métier sera technique, plus cela sera compliqué, chaque activité ayant ses particularités. Les greffes peuvent cependant réussir : « J’ai accompagné un repreneur d’une affaire de taille de pierre. Il n’était pas du métier mais avait un responsable de chantier, associé au capital, très compétent. La reprise s’est bien passée. Le même projet, sans cette personne, n’aurait pas marché », raconte Jean-François Trouillard. Les chambres de métiers se sont penchées sur le sujet et ont initiées en 2009, les URMA (universités régionales des métiers de l’artisanat). Au nombre de 23, réparties sur toute la France, elles ont mis en place, en partenariat avec le CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), les IUT et les universités, des cursus de formation allant du niveau CAP au diplômes supérieurs. Nouvelles passerelles entre les formations générales et les métiers d’avenir dans l’artisanat, les URMA proposent des parcours de formation « individualisées » pour devenir manager d’entreprise artisanale ou bien encore entrepreneur de la petite entreprise. Ainsi ces formations alliant formation en gestion d’entreprise et apprentissage des techniques d’un métier artisanal permettent aux étudiants de rejoindre les métiers de l’artisanat et aux artisans ou à leurs salariés de progresser dans les domaines de la gestion des entreprises ou de la technique des métiers. Selon l’APCMA (Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l’artisanat) : « un salarié qui souhaite devenir pâtissier n’aura pas forcément besoin des cours d’enseignement général au CFA mais devra suivre une formation technique et peut être quelques cours à l’IUT ou au Cnam pour se spécialiser en management d’entreprise ou en comptabilité ».
S’il est essentiel pour les repreneurs d’être accompagnés dans leur formation, il faut aussi qu’ils puissent accéder au financement. Et là ce ne sera pas toujours simple, surtout dans le contexte économique actuel « Aujourd’hui, l’accès au financement est plus difficile, les critères se sont durcis», estime Jean-Pierre Trouillard (In Extenso). Les conditions requises : fournir un apport personnel, d’environ 30 %, mais aussi avoir un profil adéquat. « Les banques vont regarder l’adéquation homme/projet », ajoute l’expert-comptable. Certains dispositifs existent pour faciliter cette phase, tels que celui de la Siagi, société de caution mutuelle, créée justement pour favoriser l’accès des entreprises artisanales au crédit bancaire. Le repreneur peut également se tourner vers Bpifrance. L’établissement peut l’accompagner dans le financement de la reprise et garantir la banque qui prend en charge le prêt. Et ce, grâce à deux outils spécifiques : le Prêt à la création d’Entreprises (PCE), qui s’adresse à ceux qui créent ou reprennent un fonds de commerce dans une enveloppe de 45 000 euros, et le Contrat de Développement Transmission, destiné à des opérations de taille plus importante. Outre l’apport personnel, le repreneur devra généralement fournir des garanties. C’est ce qui s’est passé pour Georges Bell, qui a racheté en 2006 une affaire de plomberie-chauffage-électricité dans l’Aube. Les banques ont financé 110 % du dossier de rachat (prix d’acquisition et frais annexes), mais en échange il y a eu nantissement du contrat d’assurance vie du couple et de son bien immobilier. Quant à Fabrice Gérard, qui a repris une affaire de signalétique/gravure, il a pu effectuer cette opération grâce à un apport personnel, complété par un prêt bancaire (trois banques ont été mises en compétition).
Différents cas de figure existent. Pour aider leur fils, Michaël, titulaire d’un CAP Pâtissier, à démarrer, ses parents Jean-Marc Dellenbach et son épouse ont repris les parts sociales d’une boulangerie pour 1 euro symbolique et le passif à hauteur de 120 00 euros. L’idée étant que le fils prenne 50 % du capital à sa majorité. Pour conclure cette opération, dont le montage a été proposé par ICF, le père disposait de 50 000 € d’apport. Il a par ailleurs entamé des démarches pour renégocier le prêt avec la banque du cédant. Un joli coup de pouce pour soutenir les débuts professionnels de leur enfant.
Une fois l’opération de reprise réalisée, l’entrepreneur devra innover et proposer de nouvelles offres, surtout en temps de crise. « Ceux qui font preuve d’innovation ont plus de chance de s’en sortir, indique Jean-Pierre Trouillard (In Extenso). Les artisans qui restent sur leur métier de base et baissent leur prix, voient leur rentabilité descendre ». Et de citer l’exemple à suivre des professionnels spécialisés dans le secteur des cheminées-poêles-granulés : « Les énergies liées à la partie bois fonctionnent bien. Les entrepreneurs ont innové, ils sont partis à la découverte des expériences étrangères, ont trouvé des idées sur des salons professionnels ». De même les entreprises spécialisées sur l’accès aux lieux publics des handicapés ont leur carnet de commandes bien rempli. Ceux qui tirent leur épingle du jeu : les artisans plâtriers, les spécialistes du carrelage-faïence, même s’ils sont attaqués par des plus gros et les plombiers en dépannage. En revanche, l’activité est plus difficile pour les plaquistes (spécialistes de travaux de finition intérieure, d’isolation et d’aménagement), où il y a peu de valeur ajoutée. Dans ce secteur, la concurrence est intense, la guerre des prix y est féroce. De façon générale, dans les régions où il y a beaucoup d’intervenants, les prix baissent en raison de la forte concurrence qui va régner. D’où l’intérêt de bien étudier son marché avant de s’implanter. « Il vaut mieux s’installer sur des marchés où il y a moins de monde », conseille Jean-Pierre Trouillard.
Munis de tous ces conseils, reste alors à celles et ceux qui souhaitent entreprendre dans l’artisanat à saisir les bonnes affaires !
Pour leur financement, les entreprises artisanales, qui ne sont pas des entreprises capitalistiques, sont fortement dépendantes du système bancaire. La Siagi, société de garantie de l’artisanat, filiale des chambres de métiers créée en 1966 pour favoriser l’accès des entreprises artisanales au crédit bancaire, l’a bien compris.
Société de caution mutuelle indépendante, interprofessionnelle et pluri-bancaire (figurent à son capital le Crédit Agricole, la Société Générale, BPCE, la Banque Postale, LCL…), elle a pour double mission d’organiser l’accès au crédit et de favoriser leur pérennité par la mise à disposition de ressources financières stables. Focalisée sur le segment de la reprise-cession-transmission avec près de 75 % des opérations, elle a lancé au printemps 2013 un système de pré-garantie basé sur une expertise préalable du projet. But de l’opération : permettre à l’artisan d’avoir plus de chances de se voir accorder un prêt par son banquier, si son projet est déjà cautionné en amont de la demande de financement.