Après des années d'expansion de la périphérie, les vents de sont de nouveau porteurs pour le centre-ville, avec des programmes soutenus par les pouvoirs publics. Pour y installer votre commerce, il faudra bien étudier son emplacement et la zone de chalandise. Vous devrez aussi répondre aux attentes des consommateurs, qui ont bien évolué ces dernières années.
Vous souhaitez ouvrir un commerce en centre-ville. Vous êtes dans l’air du temps car les vents sont de nouveaux porteurs pour cette zone, après plusieurs années d’expansion de la périphérie.
Les acteurs publics ont pris conscience de la nécessité de redynamiser les cœurs de ville, que ce soit en termes de logement, d’accessibilité, d’accès aux services publics, de mise en valeur du patrimoine. Et bien sûr…de commerces !
D’autant que ceux-ci ont toujours les faveurs des Français, qui aiment s’y rendre pour flâner, passer du temps libre dans les cafés et restaurants, faire du shopping ; les commerces alimentaires étant particulièrement prisés.
Avant de vous lancer, vous devrez procéder à une sérieuse étude de marché afin de vous renseigner sur l’endroit où vous souhaitez vous implanter, quels sont les flux et comment s’organise la concurrence.
Mais surtout vous devrez répondre aux attentes des consommateurs, qui ont évolué ces dernières années. Produits bios, troc, location, seconde main…sont des concepts qui les séduisent de plus en plus. Sans oublier d’intégrer les outils numériques dans votre stratégie…
Avec le développement des zones périphériques, les centres-villes se sont vidés de leurs habitants et de leurs commerces. Aujourd’hui, la tendance s’inverse. Des actions sont menées pour les redynamiser, comme le Plan Action Cœur de Ville lancé il y a un an.
« La tendance s’est inversée depuis quelques temps, la balle est maintenant dans le camp des défenseurs du centre-ville », se réjouit Jean-Pierre Lehmann, président de la FNCV-Les vitrines de France. « Indiscutablement, il y a un recentrage vers le centre-ville, l’herbe y redevient plus verte », appuie Hervé Lemainque, président de la Journée nationale du commerce de proximité (JNCP). Pour preuve, la grande distribution y revient avec des petits formats, c’est le cas du groupe Casino ou du groupe Carrefour, qui ont multiplié les ouvertures de commerces alimentaires de proximité.
Pendant plusieurs décennies, le développement des zones commerciales en périphérie a entraîné des fermetures de magasins en centre-ville et ces zones se sont désertifiées, particulièrement dans les villes moyennes. Générant des taux de vacance commerciale à la hausse. Selon la fédération du commerce spécialisé Procos, le taux moyen de la vacance en centre-ville est passé de 7,2 % en 2012 à 9,5 % en 2015 et 11,1 % en 2017 (hors Ile-de-France). 62 % des centres- villes observés par Procos ont un taux de vacance supérieur à 10 %, « limite symbolique considérée comme critique ». Ils étaient seulement 10 % en 2001.
La vacance commerciale des villes moyennes fait écho à la vacance des logements. Les habitants, qui voulaient avoir leurs maisons individuelles, ont quitté également les centres-villes. Dans certaines communes, l’habitat, qui n’était pas forcément adapté aux besoins d’une famille, s’est dégradé. Parallèlement, les services publics (hôpitaux, postes…) ont quitté aussi les cœurs de ville, soit pour s’installer en périphérie, soit pour disparaître… De même, les professions libérales, médicales ont, elles aussi, été tentées par la périphérie, attirées par des avantages fiscaux.
Pour autant, il n’y a pas que les cœurs de ville qui souffrent, les centres commerciaux sont également à la peine. « Certains souffrent parfois plus que les centres-villes », souligne Jean-Pierre Lehmann (FNCV). Ce qui n’empêche pas les zones périphériques de continuer à grossir : près d’1 million de m² commerciaux ont été ouverts en 2018 (soit de la création, soit de l’agrandissement de zones existantes.)
Face à la désertification des centres-villes, les pouvoirs publics ont décidé de prendre les choses en main. Avec notamment le lancement du Plan Action Cœur de Ville en mars 2018, qui vise à redynamiser 222 villes moyennes, réparties sur tout le territoire.Plus de 5 milliards sont mobilisés sur 5 ans. Les partenaires de l’Etat, Caisse des dépôts, Action logement et Agence nationale de l’habitat sont mobilisés pour être prêts à financer des projets. D’autres partenaires, publics et privés, pourront s’investir dans ce programme, auprès des communes retenues. Ce plan comprend plusieurs axes : réhabiliter et restructurer l’habitat en centre-ville, avoir un développement économique et commercial équilibré. Il concerne également l’accessibilité et la mobilité, la mise en valeur de l’espace public et du patrimoine, l’accès aux équipements et aux services publics.
« Mais attention, il ne faut pas trop attendre du plan Action cœur de Ville », estime Jean-Pierre Lehmann. « Il faut d’abord remettre de l’emploi, du pouvoir d’achat, du logement et après on pourra remettre des commerces. C’est un travail, qui va être long… », ajoute-t-il. Une chose est sûre : pour qu’un commerce vive, il faut des clients. Il faut même que ceux-ci aient un certain pouvoir d’achat pour consommer dans les commerces de proximité, notamment dans les commerces de bouche.
De nouvelles dispositions législatives visent aussi à rééquilibrer centre-ville et périphérie. Par exemple, la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République) prévoit des transferts des communes vers les communautés de communes et communautés d’agglomérations, notamment en matière de développement économique et de promotion du tourisme. Ce qui doit permettre un développement du commerce plus équilibré sur un territoire. Par ailleurs, la loi Elan instaure pour le préfet de département la possibilité de suspendre un projet commercial en périphérie d’un centre-ville en difficulté. Elle incite aussi les porteurs de projet à investir dans les centres-villes grâce à une dispense d’autorisation d’aménagement commercial.
La revitalisation des centres-villes nécessite d’avoir à la fois une vision globale et une action locale. Il s’agit en quelque sorte de remettre de l’humain dans l’urbain.Pour cela, il faut que tous les acteurs de la ville œuvrent ensemble, avec une vision commune.
« Il faut travailler son plan de cœur de ville commercial sur une carte, définir son périmètre, abandonner certaines rues », conseille le président de la Fédération nationale des centres-villes.
Il faut ensuite regarder comment on accède dans ce centre-ville, quel est le stationnement possible…Mais aussi aborder les problèmes de la commune : où en est-on en matière de propreté, de sécurité…y a-t-il des marges d’amélioration ? Puis quand on a constitué son centre commercial de centre-ville, il faut regarder quels sont les commerces manquants : est-ce plutôt du haut de gamme, des franchises, des enseignes locomotives, des concepts innovants … ?
Il convient aussi de tenir compte des nouvelles tendances et attentes des consommateurs : produits bios, écolos, troc, échange, location, seconde main….
Pour animer son cœur de ville, il ne faut pas hésiter à faire venir des artisans, des jeunes créateurs. Il est possible d’envisager des espaces communs à plusieurs producteurs alimentaires locaux… « Le touriste ne cherche pas un magasin H&M, il l’a déjà chez lui », complète Jean-Pierre Lehmann…Place à l’originalité, à la différentiation….
En fait, il s’agit de reconstituer un centre-ville « qualitatif », en laissant le quantitatif à la périphérie.
Si vous souhaitez installer votre commerce en centre-ville, vous devrez respecter un certain nombre de règles (emplacement, analyse de la concurrence, des flux…) Mais vous devrez aussi suivre l’évolution de votre clientèle et ses attentes.
« Pour s’installer en centre-ville, il n’y a pas de recette toute faite », indique Hervé Lemainque, président de la Journée Nationale du commerce de proximité (JNCP). Néanmoins, si vous souhaitez installer votre commerce dans cette zone, il convient de suivre quelques préceptes.
L’adage du commerce : 1) l’emplacement, 2) l’emplacement, 3) l’emplacement est toujours d’actualité. Car la réussite de votre projet va dépendre en grande partie de celui-ci. Son choix devra être le fruit d’une réflexion approfondie. Même si vous pensez avoir un super concept, si vous le développez sur un emplacement qui ne convient pas, ce sera l’échec.
Tout d’abord, il faut étudier quelle est la zone de chalandise. Et quels sont les flux : l’emplacement que vous convoitez est-il situé sur un lieu de passage, à côté d’une gare, d’une station de métro ? Les clients passent-ils par cette rue ? Que font-ils lors de la pause déjeuner ?
Vous devrez observer les commerces et les marchés déjà implantés. Y a-t-il des locomotives, susceptibles d’amener du monde dans la rue ? Quels sont les jours de marché ? Quelle clientèle drainent-ils ? Y a-t-il des concurrents avec les mêmes types de produits ? Quels sont leurs horaires d’ouverture ? Bref, il convient de procéder à une véritable étude de marché, des sociétés spécialisées peuvent vous aider à la concevoir.
Il faut aussi connaître l’évolution du quartier. Certains endroits offrent une diversité, un dynamisme qui vont susciter l’envie de faire du shopping, d’autres n’offriront pas le même environnement. Pour les commerces de bouche (primeur, boucher-charcutier, caviste, fromager…), il est généralement recommandé d’être situé dans la même zone. Pour d’autres typologies de commerce, ce sera moins impératif. Les produits que vous allez vendre doivent être en adéquation avec le quartier, et l’identité de la commune.
Pour cela, il est conseillé de rencontrer les services économiques de la ville, les associations des commerçants, qui sont au courant des projets en cours, susceptibles de modifier la physionomie du quartier, ou même de la rue. « Quand on s’installe, il ne faut pas être seul, il faut être informé et s’entourer de compétences », commente Hervé Lemainque (JNCP). Dans le même ordre d’idées, il faut également rencontrer le manager de centre-ville, s’il en existe un. « C’est un vrai technicien, il est capable de faire venir la bonne enseigne au bon endroit », ajoute-t-il.
Vous devrez aussi vous assurer que votre immeuble ne va pas être ravalé et qu’il n’y a pas de travaux prévus dans votre rue.
Il faut aussi s’intéresser à la richesse culturelle de la commune, afin d’être au courant des animations et de coller au mieux aux thématiques en cours. Une fois que vous analysé le contexte et le quartier dans lequel vous allez vous implanter, il faut étudier le local en lui-même. Comment est-il agencé, est-il aux normes pour recevoir du public ? La surface de la boutique est-elle suffisante, correspond-elle à votre activité ? Comment est agencée la vitrine ?
Vous devrez aussi évaluer les coûts d’acquisition du local, correspondent-ils au budget que vous vous êtes fixés ? Plus vous vous rapprochez des rues numéro 1, plus les loyers seront chers. Les tarifs sont souvent dissuasifs pour les commerçants indépendants, qui seront obligés de s’installer sur des emplacements moins prisés. Vous devrez regarder aussi quelles sont les modalités de révision du loyer ? S’il y a un pas de porte ou un droit au bail… ? Pour tous les aspects juridiques liés au bail commercial, il est vivement conseillé de faire appel à un professionnel du droit (avocat, notaire…) car les chausse-trappes peuvent être nombreuses….
Si ces fondamentaux restent de mise, il ne faut pas ignorer que les comportements des consommateurs ont changé. « Les commerçants ont mis du temps à comprendre que leur clientèle est nomade », estime Hervé Lemainque. L’arrivée d’Internet a incontestablement modifié les usages. « Le client veut tout et tout de suite », ajoute-t-il.
Même si 90 % des achats continuent de se faire dans les magasins physiques, ce canal est devenu un enjeu stratégique pour le développement économique du secteur «La vitrine d’un commerce s’est déplacée sur le smartphone », indique William Koeberlé, président du Conseil du Commerce de France (CDCF).
9 % des marchandises vendues en France passent par le canal Internet, mais ce taux varie selon les secteurs ; il s’élève à 40 % pour les produits culturels, 22 % pour le jouet, 18 % pour l’électro-ménager et 15 % pour le textile. Or, 500 000 commerçants ne sont pas encore présents sur le Net. Fort de ce constat, le Conseil du Commerce de France a noué un partenariat avec le Groupe La poste pour les aider à mieux utiliser les outils numériques. Les deux partenaires souhaitent d’ailleurs inscrire cette démarche dans le cadre du Plan Action Cœur de Ville, qui vise à dynamiser les centres-villes de 222 villes moyennes.
De nouvelles pratiques de consommation ont émergé…Pour différentes raisons : la protection de l’environnement, le pouvoir d’achat en berne. Par exemple, dans le secteur de l’habillement, qui souffre depuis plusieurs années, on voit apparaître des boutiques de troc, de location de vêtements, de seconde main. Comme en témoigne l’exemple de Vinted, un marché en ligne communautaire, qui permet à ses utilisateurs de vendre, d’acheter et d’échanger des vêtements et accessoires d’occasion. L’entreprise s’est même fixée comme objectif de « faire de la seconde main le premier réflexe dans le monde » !
« Dans certaines villes, on voit des boutiques de vêtements pour femme, qui ouvrent un rayon homme, ce qui permet un achat mixte », indique Hervé Lemainque (JNCP). Pour les commerçants, il s’agit de se différencier et proposer une offre originale.
Dans le domaine alimentaire, c’est l’apparition des achats en vrac, à l’image du réseau de boutiques Day by Day, du consommateur qui achète en direct au producteur… sur le modèle de La Ruche qui dit oui…. Les produits bios sont très en vogue également…Le commerçant, désireux d’ouvrir un commerce, devra s’inspirer de toutes ces tendances et voir si elles sont en phase avec l’endroit où il veut s’installer.
Pour faire face à tous ces changements, les commerçants ne doivent plus se contenter d’attendre le client. « Ils doivent évoluer sur les horaires d’ouverture, le design de leur boutique, le numérique », commente Jean-Pierre Lehmann, président de la Fédération nationale des centres-villes (FNCV). C’est un travail qu’ils doivent faire tous ensemble et non chacun de leur côté.
L’animation commerciale a également son importance et permet de faire revenir les chalands en centre-ville. Un certain nombre d’opérations existent déjà comme la Journée nationale du commerce de proximité, d’autres projets pourraient voir le jour. Comme la Saint Glinglin, qui devrait avoir lieu le 20 mars 2020, premier jour du printemps ! Elle entend fédérer commerces indépendants, enseignes nationales, restaurateurs, municipalités, managers de centre-ville, associations de commerçants…Cette fête veut redonner un peu d’air aux boutiques, dans une période creuse de l’activité commerciale annuelle, après les soldes d’hiver et avant la Fête des Mères.
Etre commerçant, quel que soit sa localisation, c’est posséder des qualités d’acheteur, de vendeur, savoir séduire sa clientèle, et la fidéliser. C’est pourquoi il est nécessaire d’en avoir une connaissance fine, ce qui nécessite de constituer un fichier clients et de le mettre à jour.
Pour installer son commerce en centre-ville, un grand nombre de paramètres rentrent donc en jeu. Difficile de donner une recette précise…Le succès ou l’échec vont dépendre du produit et du service apporté…