Evaluer une fromagerie

Accueil > Documentation pour les futurs commerçants > Fiches évaluation>

Evaluer une fromagerie
La réorganisation de la grande distribution confirme le regain d’intérêt des consommateurs pour l’offre au détail et de proximité de produits authentiques, accompagnée de conseils éclairés. Un rendez-vous anticipé par les fromagers, secteur professionnalisé depuis plusieurs décennies par un important investissement dans la fine connaissance, la traçabilité et les conditions de stockage des produits, santé publique oblige.

Au-delà de ces prérequis, la valeur de l’activité d’une fromagerie dépend étroitement de sa capacité à surprendre ses clients exigeants, l’emplacement ne faisant pas tout.  Bien anticiper une cession de fromagerie passe par là mais aussi par la recherche de candidats repreneurs au profil adéquat, point sur lequel la banque finançant en grande partie l’acquisition se montrera aussi vigilante que sur le rendement de l’activité elle-même. Le cédant doit donc rester attentif tant à l’évolution de son chiffre d’affaires qu’à son résultat d’exploitation, voire à son résultat brut d’exploitation (EBE).  

Valeur d’activité : l’authenticité de produits affinés fait la différence

On dit préférable de choisir une reprise à une création de fromagerie et une implantation dans une ville d’au moins 50.000 habitants, à proximité d’autres commerces alimentaires drainant du passage. Mais c’est avant tout la manière de fidéliser une clientèle exigeante et de bien gérer les produits qui importent.

Surprendre et fidéliser une clientèle exigeante – Prenons le cas de la fromagerie « Histoires de fromages » créée par Sophie Richart-Luna à Mornant (69), ville commerçante d’un peu plus de 6.000 habitants. Forte de son apprentissage chez un affineur fromager et d’une rigoureuse étude de marché, cette créatrice avait compris l’intérêt à s’implanter dans cette ville commerçante membre d’une communauté de communes  d’où capter ses résidents, actifs dans la proche métropole. Avec un loyer raisonnable même dans une rue commerçante, et en observant une large amplitude d’horaires d’ouverture 6 j/7, elle a su fidéliser une clientèle haut de gamme en quête d’authenticité pour un panier moyen élevé. Travaillant au plus près, voir devançant leurs attentes, elle joue avec succès depuis plus de quatre ans la différenciation par la qualité et la rareté de fromages  essentiellement fermiers, fabriqués à base de lait cru qu’elle affine longuement elle-même. 

Gérer les produits – Il est primordial de privilégier le choix des produits fromagers, de miser sur un assortiment équilibré et d’anticiper leur caractère saisonnier, comme le pic d’activité de mi-novembre à mi-février. Ceci suppose de l’agilité dans la rotation des stocks, partant de la fine connaissance des produits, de l’expérience, ainsi que de la relation étroite que le fromager entretient avec ses fournisseurs. En travaillant des produits fermiers, Sophie Richart-Luna fait travailler leurs producteurs qu’elle valorise auprès de sa clientèle : « il se crée un réel partenariat entre nous mais il faut souligner la particularité de la gestion de l’affinage long par rapport à celle de la vente de fromages à flux tendu, en fonction de l’épuisement des stocks».
Aux produits fromagers s’ajoute la crèmerie et les oeufs mais l’offre du fromager peut aussi inclure les arts de la tables – la vannerie pour les plateaux de présentation – et les produits d’épicerie fine associés à l’univers du fromage comme les vins et le pain. Autant d’articles qui viennent compléter à titre accessoire le chiffre d’affaires directement généré par la vente fromagère, soit un ratio variant entre 80/20 et 70/30.
 

Une clientèle sensible au titre d’artisan fromager – Les candidats à la reprise d’une fromagerie n’ayant pas le diplôme peuvent acquérir ce titre au fil de 6 années d’expérience de transformation des fromages en s’inscrivant au plus tôt auprès de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat.

Evaluation : valeurs d’activité et rentabilité

Jadis principalement fondée sur la valeur d’activité, l’évaluation repose désormais davantage  sur le critère de rentabilité. Cela parce que le cédant négocie avec des candidats à la reprise qui, au vu du rendement d’activité, sauront d’autant mieux convaincre les banques de leur capacité à rembourser l’emprunt contracté auprès d’elles pour financer en grande partie l’acquisition du fonds.  Dans ces conditions, et comme le rappelle la Chambre des Métiers et de l’Artisanat du Rhône, la base de négociation entre le cédant d’une fromagerie et un éventuel repreneur sera déterminée par la moyenne arithmétique des montants ressortant de deux méthodes croisées : d’une part, la méthode dite des comparables qui, fondée sur le chiffre d’affaires moyen TTC pondéré des trois derniers exercices, permet d’apprécier le volume d’activité ; la méthode fondée sur la rentabilité, d’autre part,  qui mesure la capacité à dégager du bénéfice.  

Recours à la méthode dite des comparables, partant du chiffre d’affaires TTC pondéré des 3 dernières années d’exercice – L’activité la plus récente restant la plus représentative, le chiffre d’affaires réalisé sur le dernier exercice se verra appliqué un coefficient multiplicateur de 3, les chiffres d’affaires réalisés sur l’avant-dernier et l’avant-avant-dernier exercices étant pour leur part respectivement multipliés par les coefficients de 2 et de 1.
La somme des trois montants ainsi obtenus à diviser  par 6 permet alors de déterminer le chiffre d’affaires moyen pondéré TTC auquel on affectera encore un coefficient multiplicateur : de 30 à 40% pour la fromagerie. Il est à noter que cette fourchette étroite de valorisation ne distingue pas a priori la transformation du simple négoce.

Et recours à la méthode basée sur la rentabilité, la plus significative au regard du financement bancaire du repreneur – On considère, toujours sur les 3 derniers exercices, le résultat d’exploitation ou l’EBE pour apprécier plus finement la capacité de l’entreprise à dégager de la trésorerie au regard de la capacité de remboursement d’emprunt. Selon la même logique que celle de la méthode précédente, la moyenne pondérée du résultat d’exploitation ou de l’EBE se détermine par la somme suivante, ramenée sur 6 : (résultat d’exploitation ou EBE du dernier exercice X 3) + (résultat d’exploitation ou EBE de l’avant-dernier exercice X 2) + (résultat d’exploitation ou EBE de l’avant-avant-dernier exercice X 1). Il est à noter que certains postes peuvent devoir être retraités en fonction de situations spécifiques, au regard en particulier des charges d’effectifs : ce sera  notamment le cas d’une rémunération d’exploitant minime ou très importante, ou bien encore d’une activité non rémunérée du conjoint supposant un recrutement de salarié après reprise.

Dans tous les cas, déterminer la valeur moyenne du rendement/de la rentabilité de l’exploitation suppose encore d’appliquer au résultat d’exploitation moyen pondéré des trois derniers exercices un coefficient multiplicateur : il varie de 3 à 4 pour une fromagerie.
 

La base de négociation entre cédant et repreneur sera ainsi déterminée par le calcul de la moyenne arithmétique de la valeur d’activité et de la rentabilité, tout en intégrant les facteurs dits « modérateurs » tels que le profil du repreneur, l’attractivité et le caractère concurrentiel de l’environnement… sans oublier la mise aux normes du matériel et de l’accessibilité du fonds de commerce pour les personnes à mobilité réduite.